j’suis dans l’métro — chaleur sale
j’ai bien trop chaud avec mon châle et ma doudoune
on est genre 8 au mètre carré
moi j’étouffe pas trop sous mon masque
mais je perçois des camarades enlunetté·e·s
qui s’embuettent à grande vitesse
visiblement celles ciels et ceux qui prennent les décisions soit ils ne portent pas de lunettes …

       soit ils ne prennent pas le métro
Non là c’est trop je n’en peux plus
j’ai déjà retenu 3 pets alors que j’étais dans la rue
maintenant dans le car
tous les enfants me collent au cul
si j’me détends j’les asphyxie
sauf que ce genre de moove gênants quand c’est Paris
on se regarde mourir sans rien dire
et on appelle ça vivre ensemble
c’est presque beau cette collective euthanasie

rester groupir … mourir groupies

Non là c’est trop je n’en peux plus
que la déesse de la paresse
(ou tous les démons de la presse)
m’envoie(nt) leurs anges
bordel de merde
les livres sont des objets qu’on range
       pourquoi parce qu’on les met en rangs
un journal juche le sol sali
un vieux torchon
y’a écrit « vive la dépression »
cette fois c’est bon c’est terminé
fini j’me casse

j’enlève mon masque
j’crache un molard aux yeux de l’agent RATP
je lui dit que oui oui c’est la hess
et que ouais ouais bah j’ai la haine
S N C F je suis ravie
j’ai fait une blague il est midi
je vois qu’il rigole sous le molard
et le molard lui dégouline
j’m’en bas les reins
le type est de Reims
ça fait que j’ai pitié de lui
je lui donne de quoi se rincer
ah oui c’est la
ville du champagne dis-je alors à
mon adorable
fébrile victime
tandis qu’il retire ma morvine de sa docile iris fragile ma pitié s’accroît sans limite

voilà que maintenant je m’allonge
et ma victime capturée par un syndrome de Stockholm démesuré
m’imite et me rejoint au sol
et là nous devons AMIS
on se peau d’colle et on s’embrasse
on est comme sous emprise d’ACIDE
et cette fois-ci on décide
que oui on va tout faire sauter
y’a personne pour nous arrêter
y’a même plus d’électricité
toutes les lumières sont éteintes

tous les visages sont éclairés par une source
que la maint tient
les joues sont blanches la peau bleutée
grâce aux smartphones

les iris balayent les screens regardent des films
vont sur tic-toc

       moi j’prends une posture chic et choc
et j’observe mon âme stérile
sommeil souillé

et voilà que mon camarade démarre un presqu’théâtral streep-tiz il prend l’gel hydroalcoolique
et il l’avale tout de go
j’entends dans l’noir qu’il y prend goût

d’un coup les lumières se rallument
et les condés dévalent en trombe
       leurs corps étaient humides et pris
       la mayonnaise aurait pu prendre et une partouze
s’annoncer
mais non ils préfèrent tabasser

je commence à voir des lumières et des motifs et des reflets que mes con-citoyens ne voient pas
je vois même des éléphants
je vois des faons

des biches des paons
et juste après c’est le trou noir
trou de mémoire
je me réveille dans un lit
c’est l’hôpital
un vieux type me demande mon âge
je lui réponds 10 ans et demi
       et il me répond tiens toi sage