J’habite dans la lumière dorée

le paradis des retraités

la lumière jaune

où même soleil est corrompu

et tout ce qui y est récent

est très très laid

des ouvrières aux corps rompus

l’ont fabriqué

J’habite une terre qui crame, qui fond

artificielle

string ficelle

festival chic et chiwawa

J’habite un labyrinthe de flics

de caméras

de militaires

de vidéos

de lunes de miel

J’habite le vide existentiel

que l’on remplit avec la came

le shit et le jeu vidéo

l’alcool et aussi la musique

la Métropole nous met à poil

le nouveau monde nous canicule

plus rien ni personne nous calcule

j’habite vers Cannes

vers la Napoule

on n’met plus d’pulls depuis longtemps

J’habite un pays azuré

un département tourmenté, touristifié

monde d’assurances et de shopping

on ne manque pas d’Airb’n’b

et pourtant on ne respire pas

J’habite une terre de misères et de contrastes

un paradis artificiel aux âmes plastiques

et où l’eau coule sous le bitume

J’habite à Nice

J’habite à Vence

je vis dans les Alpes Maritimes

Terre de pouvoirs et de conflits

ethnocidaire, raciste, pourrie

et gériatrique

sécurité obsessionnelle

névroses compactes

esprits limés

pays d’olives et de citronniers

Paysans et pantalonnières

transformé.es en consommactrices

*

j’habite une gentrifugeuse

(une machine à gentrifier)

elle pétrifie les gens aussi

figés par l’absence de moyens

dans l’omniprésence

de l’argent

pétrifiés dans une misère grise

et onéreuse

aux reflets bleus

dans un décor fastueux

trop cher pour eux

rapide, furieux

j’habite un décor imité

une sorte de dessin animé

espèce de serre illimitée

parc d’attraction

rue commerçante

je n’sais plus les différencier

tout est à vendre ou à louer

et baigne dans une lumière dorée

*

Je ne suis ni ciel ni montagne

Je suis galère et bleu malheur

Je suis clocharde

guerre aux frontières

J’arrive plus à payer le loyer

Les enfants dorment dans des voitures

juste à côté de l’hôtel de luxe

vide à craquer

je suis vide et désir de vide

la peur de l’autre

je suis aussi la résistance réprimée

tous les chelous du monde entier

toutes les vieilles camées oubliées

je suis Juda et Prométhée

je suis la trahison du monde

contrats précaires et sans contact

je suis les arabes mal aimés

et toutes les femmes de ménage

qui nettoient les yachts inondés

Je suis l’amertume et la Fame

la nostalgie de l’homme blanc

je suis l’empire désargenté

et ses blondasses décolorées

le cimetière Méditerranée

et la mer militarisée

je suis une vieille pute décharnée

j’suis fatiguée

J’habite la guerre bien maquillée

tout ça dans la lumière dorée