la part des anges / le cœur des autres,

je ne sais pas trop quoi te dire.

l’âme est sûrement un instrument, on peut faire d’la musique avec

je ne sais pas c’que c’est qu’aimer

et puis c’est pas toujours pareil

je sais qu’on aime comme on transpire, parce que des fois on transpire pas

je sais que moi je t’ai aimé.e, et comme on aime la musique

je sais que quand on aime on compte, et des fois on s’gourre dans l’calcul

le déo c’est l’arnaque du siècle

on est les enfants du désastre

on est né.e.s. dans une époque crasse, intolérante intolérable

c’est pas tant qu’ça a mal tourné

c’est que ça s’est exagéré

les humbles les simples et les gentils ne veulent pas prendre le pouvoir

étrange poison

et les connardes et les taré.e.s y vont à fond

depuis qu’j’suis née ça sent la fin

la grosse et sale fin de soirée

y’a des tickets d’métro par terre et des vieux mégots dégueulasses

qui jonchent le sol de bitume gris et vont rejoindre les corps humains

des gens qui, éclatés au sol, jonchent le jour

emmerdent la lune

tout imbibé.e.s

mais imbibé.e.s de quoi, saigneur ?

je n’en sais rien

moi mon surnom c’est Jean C’est-rien

j’me dis que tout va bien aller

qu’après tout les gens sont bourrés

quand on est saoul.e.s ça pacs mieux

je les imagine déprimé.e.s, désespéré.e.s, les corps au sol

l’orgueil des pauvres je n’aime pas ça

je les veux en larme et mendiants

pas trop sûrs d’eux

je suis la gauche et j’fais au mieux

je suis la ville et je me vide

le bitume fond

ça pue la merde dans les maisons

les nappes phréatiques se déchaînent et le Sénat en est recouvert

démocratie excrémentielle

on est envahi.e.s.x de crabes rouges aux pinces longues

qui viennent racketter les mamies

il fait si chaud

je m’rappelle les années 2000, on croyait encore qu’les odeurs

ça pouvait p’tet se contrôler

fallait encore quitter l’Europe pour découvrir qu’ailleurs ça pue ou ça sent fort

maintenant c’est dans toutes les chaumières

chaque mètre carré vaut 1 million et toute les surfaces ramolissent

c’est devenu l’été des charognes, ça sent le cadavre à paillettes

va falloir qu’on s’y habitue

au début c’était qu’la transpi, maintenant c’est carrément aut’chose

va savoir quoi

c’est redevenu ce que c’était, on cueille et on chie dans les coins

depuis qu’j’suis née les gens ont faim

soif d’amours et d’amitiés

soif d’attachements accélérés

on rêve d’être uniques, différent.e.s,

en fait on était épargné.e.s

jusqu’à c’qu’arrive le ras-de-marée

jusqu’à maintenant et aujourd’huile

bon bah voilà ça y’est : dézo

c’est mon poème collapso

en plouf hommage à Calypso

on sait qu’c’est pas la faim d’tout l’monde

tout est r’latif

y’en a qui sont sur des roof tops

et d’autres qui avalent la rue

pendant ce temps des enfants naissent

le soleil se couche tous les jours (en tout cas de là où j’habite)

les sécheresses se multiplient et je vois sur mon téléphone

qu’il ne pleut plus en Éthiopie

la courtoisie existe encore, entre personnes bien habillées

on s’entrastique le déni

et l’antarctique lui-même s’oublie

on ne parle pas de catastrophe

y’a des usines spécialisées dans la fabrique de barbelés

qui comme les crochets des hameçons

pour attraper de gros poissons

entrent dans la peau mais n’en sortent pas

c’est la dentelle de notre Europe

c’est c’qu’on nous vend comme de la paix : des humains morts écorchés vifs

accrochés sur des barbelés

il m’arrive de pleurer de honte

et parfois de pleurer de joie

mais aujourd’hui j’sais plus pourquoi